Contexte
Les monts Nimba abritent une extraordinaire biodiversité, notamment un nombre important d’espèces aquatiques vertébrées et invertébrées, telles que le micropotamogale de Lamotte et des espèces menacées de poissons et de crabes. La création d’un suivi efficace est une première étape essentielle dans la compréhension des populations et de leurs tendances dans la partie guinéenne des monts Nimba.

Ces dernières années, la portée et le rythme des études biologiques se sont améliorées grâce aux progrès des technologies. La SMFG vise à améliorer son suivi de la biodiversité en complétant les méthodes traditionnelles d’étude par des technologies émergentes. Une nouvelle façon efficace de suivre les espèces aquatiques consiste à recueillir de l’ADN environnemental (ADNe) dans des cours d’eau. Les organismes relâchent de petites quantités d’ADN dans les cours d’eau par le biais d’excréments, de salive, etc. et cet ADNe peut être récupéré en filtrant cette eau. Il devient possible d’identifier les espèces au moyen d’un séquençage à haut débit de l’ADN et de comparer avec les séquences ADN connues des alentours. Ce processus est connu sous le nom de « métabarcoding de l’ADNe ». Il a été démontré qu’il est plus performant que les méthodes traditionnelles d’évaluation de la biodiversité dans un large éventail d’habitats tempérés et tropicaux.

Programme d’ADN environnemental
La SMFG lance un programme de suivi pluriannuel en collaboration avec NatureMetrics, entreprise britannique spécialisée dans l’ADNe et des spécialistes en taxonomie comme Ara Monadjem (spécialiste des petits mammifères africains, Eswatini) et Allassane Ouattara (professeur de biologie et écologie aquatique, Université Nangui Abrogoua, Abidjan). Grâce à ce projet de suivi, ces acteurs pourront:

  • prélever des échantillons eDNA dans les cours d’eau des monts Nimba,
  • générer des données sur la biodiversité dans de vastes zones d’étude et sur plusieurs groupes taxonomiques,
  • valider les résultats basés sur l’ADN avec une expertise taxonomique, et
  • comparer les données sur les espèces de poissons obtenues grâce à de l’ADNe avec celles obtenues par des méthodes traditionnelles.

Tout d’abord, des échantillons de tissus ont été prélevés sur des espèces clés capturées autour des monts Nimba et dont la séquence n’était pas répertoriée dans la bibliothèque de référence. De nouvelles séquences de référence ont ainsi été générées. Ensuite, une étude sur l’ADNe des vertébrés a révélé la présence de nombreuses espèces dans les cours d’eau des monts Nimba. Des espèces importantes de poissons ont été détectées par l’étude ADNe, notamment des Rhexipanchax nimbaensis (Mt Nimba lampeye) et des Doumea chappuisi, qui sont classées comme « vulnérables » sur la Liste rouge de l’UICN. Presque toutes les espèces de poissons enregistrées lors des études antérieures à l’aide de méthodes conventionnelles ont été retrouvées dans l’étude ADNe. Sur la plupart des sites, la méthode ADNe a également détecté des espèces supplémentaires.

À la mi-2020, outre les poissons, les données ADNe avaient également fourni l’enregistrement de 14 espèces d’amphibiens, 19 espèces d’oiseaux ainsi que 19 espèces de mammifères, dont des musaraignes, des rongeurs, des carnivores, des singes et même des chauves-souris. Un reptile, la Péluse de Schweigger (Pelusios castaneus, tortue d’eau douce d’Afrique de l’Ouest) – a été détecté.

La SMFG a l’intention de lancer sur le long terme un suivi ADNe des cours d’eau, en l’élargissant pour qu’il inclue des taxons supplémentaires comme les crustacés:

Poissons – La SMFG effectuera le suivi des diverses espèces de poissons présentes dans les monts Nimba, y compris des espèces cryptiques et menacées comme Barbus cf. huguenyi et Chrysichthys cf. teugelsi, toutes les deux classées comme étant en danger (EN). De plus, ces deux espèces sont peu étudiées et les tendances de leur population sont inconnues. Le suivi de ces espèces est d’une importance cruciale pour prendre des décisions et des mesures de gestion sur la base de données et d’informations scientifiques et fiables.

Mammifères – En élargissant les études ADNe, la SMFG espère détecter la présence de mammifères importants comme les chimpanzés ou le micropotamogale de Lamotte. Ce dernier est un petit mammifère amphibie et carnivore dont on suppose qu’il se nourrit principalement de crustacés, de poissons et d’autres animaux aquatiques. Il a été observé dans les monts Nimba et l’habitat aquatique environnant, ainsi que dans les zones forestières de la Guinée forestière et du sud-est du Libéria. Le micropotamogale de Lamotte est classé comme vulnérable par l’UICN, sa population est en baisse et il est cité dans la déclaration de valeur universelle exceptionnelle du Site du patrimoine mondial. Il vit dans des habitats aquatiques en faible densité et s’avère très difficile à étudier avec des méthodes traditionnelles de piégeage.

Crustacés – Maintenant que les crabes de Nimba ont été analysés sur le plan génétique, il est à espérer que leur suivi par le biais de l’ADNe améliorera de façon significative la capacité de la SMFG à décrire, cartographier et suivre leurs espèces et leurs habitats. Les monts Nimba comptent une large gamme d’espèces de crabes, dont beaucoup sont menacées et qui sont endémiques ou quasi endémiques de la région des monts Nimba comme Liberonautes lugbe (CR), L. nimba (VU) and L. rubigimanus (EN). On les trouve dans les cours d’eau des plaines et des zones humides, et dans les rivières des monts Nimba.

Pour en savoir plus sur l’ADN environnemental et les applications concrètes de cette nouvelle technologie, veuillez consulter la série de webinaires de NatureMetrics à l’adresse suivante: www.naturemetrics.co.uk/webinars.